Guide d’opéra en ligne et Resumé de MANON LESCAUT de Puccini

“Manon Lescaut” est l’opéra qui a fait de Puccini la star du firmament lyrique. L’œuvre submerge l’auditeur de motifs et de mélodies et jamais il n’a été aussi proche de la musique de Richard Wagner qu’ici. Avec “Donna non vidi mai”, l’Intermezzo et le Duo d’amour, Puccini a écrit des pièces iconiques.

Contenu

Commentaire

Acte I

Acte II

Act III

Act IV

Les points forts

Tra voi, belle brune e bionde

Cortese damigella

Donna non vidi mai

En queste trine morbide

Poiché tu vuoi saper … Per me tu lotti

Vi prego signorina

Tu, tu amore, tu

Intermezzo

Manon disperato

Presta in filo … Non ! Pazzo son!

Sola, perduta, abbandonate

Fra le tue braccia amore

Recommandation d’enregistrement

Recommandation d’enregistrement

PREMIERE

Torino 1893

LIBRETTO

Première ébauche de Marco Prag et Domenico Oliva, adaptations ultérieures de Ruggiero Leoncavallo, Giulio Ricordi, Giacomo Puccini, Giuseppe Giacosa et Luigi Illica, d'après le roman Manon Lescaut de l'abbé Prévost

THE MAIN ROLES

Manon Lescaut, jeune femme (soprano) - Lescaut, son frère (baryton) - Des Grieux, étudiant (ténor) - Geronte di Ravoir, percepteur royal (basse)

RECOMMANDATION D'ENREGISTREMENT

DG, Mirella Freni, Plàcido Domingo, Kurt Rydl, Renato Bruson sous la direction de Giuseppe Sinopoli et du Philharmonia Orchestra and Chor of the Royal Opera House, Convent Garden

COMMENT

La situation initiale

L’éditeur de Puccini, Ricordi, voulait en fait que Puccini mette en musique le roman “Tosca”. Puccini, cependant, était fasciné par le drame de Prévost “Manon Lescaut” et son héroïne titre. Cependant, Massenet avait couronné ce modèle littéraire 10 ans plus tôt avec une œuvre brillante et Puccini voulait à tout prix éviter d’être soupçonné de créer un plagiat de cette œuvre. De plus, Puccini s’est mis la pression pour réussir car la première de l’œuvre précédente “Edgar” a tourné au fiasco.

Vers la BIOGRAPHIE DE PUCCINI

Le livret et l’accouchement difficile

Après des hésitations initiales, le dramaturge Marco Praga se charge d’esquisser l’œuvre, et Domenico Oliva fournit les vers. Puccini a commencé à mettre le livret en musique en 1890. Au cours du processus de composition, il n’est pas satisfait de l’ébauche littéraire et supprime même une scène entière. Praga démissionne alors et Ruggiero Leoncavallo (qui devait initialement écrire le livret) se charge de le réviser, mais abandonne rapidement le projet en raison d’une surcharge de travail. Puccini et Ricordi se sont également prêtés au jeu, jusqu’à ce que Luigi Illica et Giuseppe Giacos procèdent aux derniers ajustements, en particulier dans la scène du Lever du deuxième acte et dans la scène de l’appel nominal de l’acte du Havre. Ce processus a duré trois ans. Finalement, Praga n’était plus disposé à donner son nom et il a été convenu, lors de la première, de publier l’œuvre sans nommer de librettiste.
Rétrospectivement, il est surprenant de constater que le texte est unanimement reconnu comme bien fait. Dans le domaine de l’intrigue, l’œuvre a souvent été critiquée. Les principales critiques portent sur le fait que l’intrigue fait des sauts qui rendent l’histoire incompréhensible pour l’auditeur et que le dernier acte se limite à une scène de mort.
Les difficultés liées à la création d’un livret ont accompagné Puccini tout au long de sa vie (artistique) ; il était toujours en conflit avec ses librettistes et plusieurs fois la collaboration s’est terminée par un désaccord. Quelles étaient les raisons de ces difficultés à créer un livret ? La raison principale est peut-être que les schémas formels conventionnels tels que scena ed aria, concertati, coro d’introduzione, ouvertura, etc. permettaient aux librettistes du bel canto de mettre en place un livret dans un style et une forme généralement partagés. Même Verdi a eu recours à ces formes dans une large mesure. Avec Richard Wagner et le vérisme, tout a changé. On voulait faire exploser les conventions sans pouvoir développer quelque chose de nouveau. Il fallait donc faire appel à l’inspiration et, à chaque œuvre, réinventer la roue.

La caractérisation musicale – L’influence de Wagner

Puccini était un fervent admirateur de l’œuvre de Wagner, son opéra préféré étant “Parsifal”, qu’il fera un pèlerinage à Bayreuth pour voir représenté 20 ans plus tard. Dans aucun de ses opéras, il n’a été plus proche de Wagner que dans “Manon Lescaut”. Puccini ne cache pas les échos de Wagner, citant plusieurs fois l’accord de Tristan au deuxième acte. Il n’est plus jamais allé aussi loin dans la technique du leitmotiv que dans cette œuvre. Aucun de ses thèmes ultérieurs ne devait devenir aussi wagnérien que “Nell’occhio” (voir le duo d’amour plus loin). Le grand duo d’amour du deuxième acte, qui forme dramatiquement le pendant de Tristan avec sa relation triangulaire (la femme aime un jeune homme mais est mariée à un homme plus âgé), est devenu un véritable festival wagnérien.

La caractérisation musicale – Formes anciennes

La célèbre déclaration de Puccini “Massenet sent la pièce comme un Français, avec l’atmosphère de la poudre et des menuets. Je la ressentirai comme un Italien, avec la passion du désespoir” était destinée à le démarquer délibérément du Français. Cependant, Puccini a également répandu la poudre très généreusement sur son œuvre ; les madrigaux du premier et du deuxième acte et la scène des menuets du deuxième acte en portent la preuve évidente.

Caractérisation musicale – l’orchestre

Avec cette œuvre, Puccini a déjà fait le saut vers son style de maturité. L’orchestre est riche en couleurs et il a émancipé son rôle ; de nombreux leitmotivs sont audibles dans l’orchestre d’abord et il entre en dialogue avec les chanteurs sur un pied d’égalité. Il est particulièrement intéressant de noter que Puccini fait souvent jouer les instruments à la limite de leur registre et qu’il s’en sert (comme son contemporain Mahler) comme d’un procédé stylistique pour dépeindre les états émotionnels extrêmes des protagonistes. En particulier, les mélodies de Des Grieux sont doublées par les instruments sur plusieurs octaves.

Caractérisation musicale – leitmotivs

Dans aucune autre œuvre de Puccini, les leitmotive n’occupent une place aussi importante. Pour cette raison, vous trouverez les notes de nombreux leitmotive dans les commentaires des pièces de ce guide. Les motifs sont brillamment composés, “Manon Lescaut” a été l’explosion créative de mélodisme de Puccini. L’utilisation des leitmotive par Puccini est dramatiquement habile, et ils prennent parfois la fonction d’un commentateur. Le dernier acte devient même ” un acte de réminiscences “, un élément stylistique que nous retrouverons dans d’autres opéras de Puccini, où ce dernier ne peuple le dernier acte que de motifs des actes précédents.

Personnalisation musicale – les chanteurs

Puccini a axé l’intrigue de l’opéra principalement sur la peinture de l’âme du couple, mais a traité très différemment les rôles de chanteurs des deux protagonistes. Aucun autre opéra de Puccini ne donne au ténor une telle présence, avec 6 arias indépendantes et des duos supplémentaires ; Des Grieux est devenu le rôle de ténor le plus long de Puccini. En revanche, Manon n’a que deux arias, mais elle est davantage ancrée dans l’intrigue et dans sa musique, et son rôle est plus marqué sur le plan dramatique que celui de Des Grieux, qui reste fortement dans un rôle de victime et dont la tâche principale consiste à se lamenter de façon déchirante sur son sort et à avouer son amour à Manon. Il est l’amant typique de Puccini qui devient finalement le satellite de la femme dont il est tombé amoureux. Le rôle de Manon est beaucoup plus nuancé. Elle connaît une évolution à couper le souffle. Elle passe du statut de jeune fille innocente à celui de maîtresse coquette et d’amante passionnée, puis de prisonnière tragique et, au dernier acte, de mourante. La couleur de la partition est encore renforcée par les petits rôles de Lampionaio, du professeur de danse et d’Edmondo, qui apportent tous leurs propres formes musicales.

Le succès de la première

Le 1er février 1893, au Teatro Reggio de Turin, devient un triomphe pour le compositeur Le succès tant attendu est arrivé et Puccini a été accepté à l’unanimité par le public et les critiques dans la première garde des compositeurs contemporains.

MANON LESCAUT ACT I

Resumé : Vor einem Gasthaus à Amiens. Studenten, Bürger, junge Mädchen und Soldaten flanieren über den Platz.

L’ouverture orchestrale présente dès le début un leitmotiv joyeux, censé symboliser la jeunesse et la légèreté :

Il est suivi d’un second motif chantant et mélancolique :

Ces deux motifs contrastés jouent un rôle important dans les scènes à venir. Puccini a composé un mouvement exquis pour chœur pour cette scène d’ouverture, qui est réglé pour quatre voix.

Ave, Sera gentile – Levine

Des Grieux n’a pas de chance en amour jusqu’à présent

Resumé : Les élèves accueillent Des Grieux et le taquinent car il n’a pas de chance en amour. Ce dernier se tourne vers les filles avec une sérénade moqueuse.

Cette ariette inspirée “Tra voi, belle brune e bionde” présente Des Grieux comme un étudiant insouciant.

Tra voi, belle brune e bionde – Pavarotti

Manon apparaît avec la diligence

Resumé : Une fanfare annonce l’arrivée d’une diligence. Manon, son frère Lescaut et Géronte, un locataire royal, en sortent et s’arrêtent pour la nuit. Des Grieux voit la jeune Manon et en tombe immédiatement amoureux. Lorsque Lescaut se rend à l’auberge pour s’occuper de la nuit, elle est seule un moment, et Des Grieux s’approche d’elle. Il apprend son nom et qu’elle doit partir le lendemain pour entrer au couvent sur ordre de son père. Des Grieux lui propose son aide pour échapper à son destin. Manon veut savoir son nom et promet de revenir le soir même.

Alors que Des Grieux se tourne vers Manon, un motif magnifiquement romantique résonne dans les violons en sourdine :

Avec ce motif, Des Grieux nous fait entendre une mélodie lancinante qui symbolise son cœur battant et devient le leitmotiv de son amour romantique pour Manon :

Manon, quant à elle, répond avec son leitmotiv, un motif romantique et innocent :

Cortese damigella – Domingo / te Kanawa

Des Grieux est amoureux

Resumé : Bientôt ils sont interrompus, son frère est revenu et la conduit dans sa chambre. Des Grieux reste en retrait. Il pense avec ravissement à la belle jeune femme.

L’air qui suit maintenant est le morceau le plus célèbre de cet opéra et le premier air célèbre écrit par Puccini. Le mètre ¾ donne à la pièce un caractère léché et rêveur. L’accompagnement orchestral de la mélodie est très riche, l’accord des instruments d’accompagnement à cordes divisées s’étend sur plusieurs octaves, soulignant la passion de Des Grieux avec des notes dans des registres extrêmes. L’air émotionnel de Des Grieux renvoie le motif romantique des violons qui a retenti lorsqu’il s’est adressé à Manon.

Dans la deuxième partie, Des Grieux cite tendrement et avec ravissement le motif de Manon “Manon Lescaut mi chiamo” à plusieurs reprises, avec lequel elle s’était présentée. C’est un effet surprenant qui donne à cette aria l’apparence d’un duo. La troisième partie, “O susurro gentil, deh ! Non cessar !” est répétée plusieurs fois et termine cette aria par un si aigu passionné chanté avec verve.

 

Nous entendons cette aria dans trois interprétations:

Björling a su apporter à la voix, de manière égale, la passion de Des Grieux et sa vulnérabilité.

Donna non vidi mai – Björling

Soutenu par un enregistrement moderne d’un orchestre, nous entendons l’interprétation d’Enrico Caruso. Sa voix est merveilleusement douce et fluide. Il chante cette aria de manière plus large et rêveuse, et elle dure 30 bonnes secondes de plus que l’interprétation de Domingo, par exemple.

Donna non vidi mai – Caruso

La voix lyrique de Pavarotti était plus proche de Rodolfo que du Des Grieux, plus dramatique. Néanmoins, la Donna non vidi mai était l’un des airs de parade de Pavarotti, auquel il a su donner son incomparable mélange de chaleur et de brillance de voix.

Donna non vidi mai – Pavarotti

Resumé : Lescaut entre en conversation avec son compagnon de voyage Géronte et lui raconte le sort de sa sœur. Il est tombé amoureux de Manon et décide spontanément d’enlever la jeune femme à Paris et commande un carrosse. Des Grieux apprend le projet du percepteur par l’intermédiaire de l’étudiant Edmondo, qui a observé la scène. Des Grieux décide de détourner le carrosse et de s’enfuir à Paris avec Manon. Lescaut s’intéresse alors aux étudiants qui jouent aux cartes et se laisse distraire. Lorsque Manon revient comme convenu, Des Grieux lui déclare son amour.

Cette scène commence par un récitatif et se transforme en un bref passage arioso. On entend alors un motif ascendant à la flûte, repris d’abord par les cordes, puis par les voix. La température monte avec la déclaration d’amour des Grieux, et le duo se termine par une cadence passionnée à l’unisson des deux voix.

Vedete io son fedele – Domingo / te Kanawa

Manon et Des Grieux s’enfuient

Resumé : Edmondo revient et exhorte à la précipitation, le carrosse est prêt et Des Grieux demande à Manon de fuir. Manon est d’abord déstabilisée, mais court ensuite avec Des Grieux vers le carrosse. Un peu plus tard, Géronte se rend compte de la fuite et va voir Lescaut. Celui-ci sourit en voyant que Géronte n’est pas dupe et reste calme. Il dit laconiquement que dès qu’ils n’auront plus d’argent, ils retrouveront Manon.

MANON LESCAUT ACT II

Resumé : Dans la somptueuse propriété de Géronte, près de Paris. Comme l’avait prédit Lescaut, Manon est retournée chez Géronte après un court séjour, son désir de luxe l’emportant sur son amour pour Des Grieux. Son frère la rejoint et se rend vite compte que malgré le luxe, Manon est malheureuse et que Des Grieux lui manque. Elle est saisie par le chagrin d’avoir quitté Des Grieux sans un baiser, pas même une accolade d’adieu.

L’Ariette de Manon, courte mais pleine d’âme, commence par une plainte douloureuse des violoncelles. Dans la première partie, nous entendons un beau p dans la phrase “Ed io che m’ero avvezza a una carezza voluttuosa di labbra ardenti” (Et moi qui m’étais habitué à une caresse voluptueuse ou à des lèvres ardentes et des bras passionnés). Dans la deuxième partie, nous entendons le hautbois et la flûte piccolo accompagner Manon à l’unisson, ajoutant de l’éclat et de la nostalgie à la belle mélodie.

Dans ce passage, écoutez Mirella Freni, dont l’enregistrement de Sinopoli en 1983 a démontré la belle opulence de sa voix lyrique.

En queste trine morbide – Freni

Resumé : Lescaut tells him that he has always been in contact with Des Grieux and likes him. Des Grieux is after Manon and her money after an accident. Manon is entranced that Des Grieux wants to fight for her.

Avec des échos de l’aria “Donna non vidi mai”, Lescaut parle de Des Grieux. Manon s’enflamme à nouveau, Lescaut s’emporte musicalement et Manon termine le duo avec un do aigu extatique.

Nous entendons ce morceau avec les grandes notes supérieures de Caballé.

Poiché tu vuoi saper … Per me tu lotti – Domingo / Caballé

La grande scène du levier

Resumé : Un groupe de musiciens apparaît dans le cabinet de Manon et chante un madrigal pour Manon, que Géronte lui-même avait composé pour elle.

Puccini a utilisé pour le madrigal une pièce pour mezzo-soprano et chœur à quatre voix qu’il avait composée quelques années auparavant pour une œuvre religieuse.

A la fin, il fait mettre en sac la bourse destinée aux chanteurs par Lescaut, qui ne veut pas souiller “l’art avec de l’argent sale”. Un cor solitaire commente cet acte de manière moqueuse.

Sulla vetta tu del monte – Croft / Freni / Bartoli

Resumé : Manon s’ennuie des attentions de Géronte. Et voilà que le professeur de danse entre avec d’autres personnes et commence une leçon de danse. Géronte est entré et regarde attentivement sa maîtresse.

Cette pièce est introduite par un menuet courtois, à l’ancienne, sur lequel l’orchestre imite un quatuor à cordes, tandis que les visiteurs présentent leurs respects à Manon. Dans la deuxième partie, nous entendons une musique de danse accompagnant Manon lors de sa leçon de danse. Dans la troisième partie (lorsque le maître à danser crie ” A manca “), on entend un trio dont le thème, délivré par le hautbois, va être repris à la fin de l’opéra, avec les derniers mots de Manon avant sa mort :

Géronte danse alors galamment un menuet avec elle, mais il est vite essoufflé. Dans cette scène, l’accord de Tristan est entendu, faisant allusion à la relation triangulaire des trois personnages et comme un signal que Manon va quitter Géronte en faveur de Des Grieux. Manon conclut ensuite cette scène par la chanson pastorale baroque “L’ora o tirsi”. C’est une chanson charmante, accompagnée avec enthousiasme par le chœur des visiteurs et terminée par Manon avec un long do aigu.

Il vaut la peine de regarder cette scène dans une production filmée. Elle commence dans l’enregistrement complet suivant de Glyndebourne à 49:45.

Vi prego signorina – Glyndebourne

Des Grieux apparaît – le grand duo d’amour

Resumé : Ils veulent maintenant partir pour une promenade à Paris, mais Manon veut avoir un moment pour elle. Quand elle est seule dans la chambre, elle se regarde dans le miroir et est sûre qu’elle sera la plus belle femme, lors de leur voyage à Paris. Lorsqu’elle entend un bruit, elle voit Des Grieux, à son grand étonnement, qui est entré dans sa chambre. Il est venu lui reprocher amèrement son affront. L’amour de Manon se réveille et elle déclare sa flamme à Des Grieux. Des Grieux est à nouveau saisi par la passion et ils tombent dans les bras l’un de l’autre.

Avec un cri de surprise, un long duo passionné commence. Des Grieux l’accuse de fuir, il crie de plus en plus désespérément “Taci” (Tais-toi !) en réponse à ses répliques. Manon implore son pardon accompagné d’un beau motif que nous n’entendrons pas pour la dernière fois :

Avec ce tendre motif, elle brise la résistance de Des Grieux. Avec les mots “Ah, vieni ! colle tue braccia stringi Manon” chantés sur la mélodie de Des Grieux “Donna non vidi mai”, elle brise sa dernière résistance. Des Grieux répond par un motif wagnérien, qui prendra une signification importante dans cet opéra, qu’elle est son destin (Au fond de tes yeux je lis mon destin) :

Avec la répétition conjointe de ce motif, accompagné par l’orchestre jubilatoire, ce duo longtemps tendu se termine dans une étreinte orageuse.

Nous voyons et entendons cette scène magnifiquement jouée et chantée par Plàcido Domingo et Renata Scotto. Les deux chanteurs ont excellé non seulement dans leur formidable art vocal, mais aussi dans leur jeu d’acteur. Cet extrait, dirigé par James Levine, est issu de la première diffusion en direct d’un opéra en Europe par le Met en 1980 et a fait sensation. La voix opulente et passionnée de Domingo y avait contribué.

Tu, tu amore, tu – Scotto / Domingo

 

Un enregistrement à voir et à entendre d’un récital avec Jonas Kaufmann et Kristine Opolais.

Tu, tu, amore ? Tu ? – Opolais / Kaufmann

Resumé : Géronte fait irruption dans cette scène. D’un geste menaçant, il se tourne vers les deux et quitte la pièce. Manon sait que le luxe du salon de Géronte a maintenant pris fin. Et voilà que Lescaut apparaît à bout de souffle et leur annonce avec excitation que Géronte a appelé la police et veut faire arrêter Manon. Il les exhorte à fuir rapidement. Manon emballe rapidement ses bijoux. Alors qu’ils sont sur le point de quitter la maison, ils rencontrent les policiers qui arrêtent Manon comme voleuse de bijoux, sous le regard rieur de Géronte.

Alors que Manon fait une pause et dit nostalgiquement adieu au luxe, Des Grieux siffle douloureusement “Ah ! Manon mi tradisce il tuo folle pensier” (Ah Manon, tes folles pensées me trahissent : toujours les mêmes !), dans le pressentiment maléfique que cette femme fatale va l’entraîner dans l’abîme. Lorsque Lescaut apparaît, la musique devient frénétique. Puccini s’amuse à dépeindre la fuite (ital. “fuga”) par une fugue (ital. “fuga”) et à enrichir la voix de Manon de chromatismes à la Tristan.

Lescaut tu qui – Domingo / Freni / Rydl / Gambill / Bruson

MANON LESCAUT ACT III

L’Intermezzo

Resumé : Après son arrestation, Manon est condamnée à la déportation dans une colonie pénitentiaire en Louisiane. Elle est en prison au Havre en attendant le navire qui l’emmènera outre-mer.

Puccini a composé les sentiments de désespoir de Manon et des Grieux face aux événements tragiques avec ce grand intermezzo. Il commence par la cantilène désolée d’un alto. Peu à peu, d’autres instruments entrent en scène et l’orchestre se lance dans le merveilleux thème principal de l’intermezzo :

Ce thème est développé sur une plus longue période de temps. À la fin, l’humeur du morceau change et Puccini présente le motif final presque éthéré, le motif dit du destin, qui est coloré de façon céleste par le son des bois :

Intermezzo Muti

Resumé : Des Grieux et Lescaut se sont rendus au Havre et y ont soudoyé une gardienne de prison afin que Des Grieux puisse lui parler à travers les barreaux de la cellule.

Une fois de plus, Des Grieux invoque le salut de Manon, accompagné seulement d’un motif religieux aux altos, emprunté à un précédent quatuor à cordes qu’il avait composé pour une musique funèbre. Une fois encore, l’espoir s’épanouit et le thème principal de l’intermezzo résonne glorieusement alors que les deux se touchent une fois de plus à travers les mesures.

Manon disperato – Olivero / Domingo

Des Grieux réussissent à monter sur le bateau

Resumé : Lescaut tente de soulever le peuple, mais la tentative échoue et les prisonniers, pour la plupart des prostituées, sont conduits à l’appel sous le regard des villageois, où ils sont enregistrés par le capitaine du navire.

Alors que Manon est conduite au navire, gardée par les soldats, Des Grieux se précipite vers l’officier supérieur et lui lance un appel désespéré et infructueux pour la libérer. Il se précipite ensuite vers le capitaine et le supplie de le laisser monter sur le navire. Un motif dramatique se fait entendre dans l’orchestre, que nous retrouverons dans le quatrième mouvement :

Lorsque le capitaine accède à sa demande et le laisse monter sur le navire comme matelot de louage, le motif du destin de l’intermezzo résonne radieusement à la fin de l’acte.

Presta in filo … No ! Pazzo son ! – Björling

MANON LESCAUT ACT IV

Resumé : Des Grieux et Manon sont seuls dans le désert lugubre près de la Nouvelle-Orléans. Ils sont en fuite et sur le point de mourir de soif. Manon est victime d’un évanouissement.

Dans l’opéra, nous n’apprenons rien sur la raison de la fuite. Par le récit de l’abbé Prévost, nous apprenons que Des Grieux, en arrivant à la Nouvelle-Orléans, avait tué le neveu du gouverneur en tentant de s’emparer de Manon. Le désespoir de Des Grieux grandit et nous entendons les motifs douloureux des actes précédents.

Manon, senti, amor mio

 

Le chant du cygne de Manon

Resumé : Manon demande à Des Grieux de chercher de l’eau. Hésitant, Des Grieux la laisse, sachant qu’il ne la reverra peut-être pas vivante. Lorsqu’elle est seule, Manon réfléchit une fois de plus à sa beauté, qui l’a conduite dans l’abîme.

Une fois de plus, le motif du destin résonne, cette fois sous une forme consolante. Il est brusquement interrompu par une marche funèbre fantomatique annonçant sa mort, et Manon commence sa vision fiévreuse : “Sola, perduta, abbandonata.” Une fois de plus, elle se cabre, ne voulant pas mourir.
Nous entendons ce passage dramatique chanté par Maria Callas. La Callas pouvait produire une voix pour de telles scènes avec une couleur de tonalité particulièrement sombre mais en même temps riche, qui entrait dans la peau. Son cri à la fin est tout simplement bouleversant.

Sola, perduta, abbandonate – Callas

 

Nous entendons une autre interprétation impressionnante d’Angela Gheorghiu.

Sola, perduta, abbandonate – Gheorgiu

La mort de Manon

Resumé : Lorsque Des Grieux revient, il trouve Manon toujours vivante, mais doit lui annoncer la terrible nouvelle : il n’a pas trouvé d’eau, ce qui signifie sa condamnation à mort. Les deux hommes se disent au revoir et Des Grieux tombe inconscient à côté de la Manon morte.

Une fois de plus, Manon est envahie par les émotions de l’amour et lui déclare une dernière fois sa flamme. Dans un brusque changement d’humeur, Des Grieux se lamente sur son sort avec “Gelo di morte”. Mais Manon ne veut pas mourir avec des larmes, mais avec des baisers. Avec ses derniers mots, on entend le thème sinistre qui a résonné dans le salon de Géronte dans le trio du menuet :

Fra le tue braccia amore – Domingo / Scotto

Peter Lutz, opera-inside, le guide de l’opéra en ligne pour MANON LESCAUT de Giacomo Puccini.

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